mardi 25 juillet 2006

Gilda

“Gilda” représente un climax dans la carrière de Rita Hayworth : ce film la couronne “déesse de l’amour” dans l’opinion publique. Entre la pin-up et la femme fatale, elle incarne une beauté absolue, sulfureuse, provocante, les cheveux roux brillants, moulée dans un sublime fourreau de satin noir. L’érotisme sophistiqué du film, ses dialogues acerbes et pointus, forment un cadre idéal à la cristallisation du mythe de “Gilda". Le réalisateur Charles Vidor semble rendre hommage au charisme et à la beauté de Rita et l’aide à atteindre les sommets de la gloire en lui donnant l’immortalité et un statut d’icône, de déesse.
Le scénario de ce film noir est adapté d’un roman de E. A. Ellington. Il construit une fable complexe, excentrique et cynique où l’Amérique paraît marquée des stigmates de l’après-guerre, exprimant une sorte de paranoïa à l’égard des nazis exilés en Amérique du Sud fomentant des complots. On retrouve le même canevas dans “Les Enchaînés” d’Alfred Hitchcock sorti la même année.

Subversion et homosexualité:

Si “Gilda” connaît un tel succès, c’est sans doute aussi pour la tension érotique, subversive, générée par un étrange triangle amoureux, le ménage à trois entre les trois personnages principaux. Johnny Farrell, un joueur professionnel incarné par Glenn Ford est sauvé d’un meurtre crapuleux dans les rues de Buenos Aires par le propriétaire richissime d’un casino Ballin Mundson (George Macready). Johnny jure amitié et allégeance à cet homme froid et reptilien au visage barré d’une cicatrice à la Scarface et devient son bras droit jusqu’à ce que Ballin lui présente sa nouvelle femme : la sublime Gilda. Tout est suggéré par des dialogues incisifs à double sens, des euphémismes et des situations à clés pour tromper la censure et le Code Hays sur l’homosexualité latente de Johnny et Ballen. Le couteau qui a sauvé Johnny de la mort, symbole phallique freudien, est leur “troisième ami” avant que Gilda arrive. Ballen avait pourtant lancé cet avertissement en forme de manifeste : “Le jeu et les femmes ne se mélangent pas” ! Johnny déclare aussi à Ballen : ” Je suis né hier soir quand je vous ai rencontré dans cette allée. De cette façon, je n’ai pas de passé et pas de futur, vous voyez ? Et j’aime cela.” Le double sens fait mouche. La misogynie constitue un des thèmes du film. Elle prend toute son ampleur quand Johnny Farrell jette à la figure de Gilda : “Les statistiques montrent qu’il y a plus de femmes dans le monde que quoique ce soit d’autre. Excepté les insectes. “

Fantasme mortifère:

L’affiche du film proclame : “Il n’y a jamais eu une femme comme… Gilda !” En effet, la femme qu’incarne Gilda, écartelée entre la femme fatale à la femme soumise, ne semble avoir aucune réalité : son statut relève sans doute du domaine de la schizophrénie ou de l’image dichotomique de la femme telle que l’homme la rêve. Entre l’être chaste et la putain. Dans la célébrissime scène de strip-tease du film, une des plus connues du cinéma, Gilda un long gant de satin noir en chantant “Put the Blame on Mame. Elle jette à la figure de son amant sa réputation de fille facile qui la gifle. Dans sa vie, Rita Hayworth a payé le prix de ce rôle : il est dangereux d’incarner un fantasme aussi puissant. Sur cette image empoisonnée, elle dira un jour à Harry Cohn avec une infinie tristesse : “Tous les hommes que j’ai connus sont tombés amoureux de Gilda, mais ils se sont réveillés avec moi.”

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