Parfois, je prends un de mes livres préférés, je l'ouvre à n'importe quelle page et je lis juste le temps de faire une pause dans mes révisions. J'ai ouvert "au bonheur des dames" de Zola aujourd'hui et je suis tombée sur le passage où Denise est dans une misère noire, complètement aveuglée par le désespoir. Denise, c'est une petite vendeuse dans un de ces grands magasins parisiens qui commencent à naître. Elle vient de la province, est petite et maigrichonne, et est devenue le souffre-douleur de ses collègues, simplement parce qu'elle est trop douce pour se battre avec les mêmes armes dégueulasses que les leur. Ils ont fait courrir la rumeur que "Pépé", son petit frère, était son fils et donc qu'elle était une fille perdue, et ça, Denise l'a en travers de la gorge. Elle n'arrive plus à joindre les deux bouts et Pépé est tombé malade.
Elle fond en larmes et à ce moment là, le vieil homme qui lui loue une chambre tape à la porte et lui donne du pain et du bouillon.
Et Zola écrit ça d'une façon bouleversante :
"Ce fut vers les derniers jours de septembre que la jeune fille connut la misère noire. Pépé était tombé malade, un gros rhume inquiétant. Il aurait fallu le nourrir de bouillon et elle n'avait même pas de pain. Un soir que, vaincue, elle sanglotait, dans une de ces débâcles sombres qui jettent les filles au ruisseau ou à la Seine, le vieux Bourras frappa doucement. Il apportait un pain et une boîte à lait plein de bouillon.
Tenez ! voilà pour le petit, dit-il de son air brusque. Ne pleurez pas si fort, ça dérange les locataires."
Dans "une vie", Maupassant fait dire à un de ses personnages : "la vie, voyez-vous, ça n'est jamais si bon ni si mauvais qu'on croit". Elle pourrait s'appliquer à cette scène, même si Zola n'hésite jamais à suivre ses personnages jusqu'au fond de leur misère, et parfois, à ne pas les faire remonter, comme dans "l'Assomoir".
"Au bonheur des dames" est plus optimiste, c'est peut-être pour ça que c'est mon préféré.
VD.
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