Pour contrer sa chute sans fin dans les sondages, Nabot lance des idées à la va vite comme on lance des cacahuètes à des singes. Le problème est que, non seulement beaucoup des gens apprécient peu d'être traités comme tels, et également que les idées en question peuvent se révéler nuisibles.
Nouvelle idée en date : faire suivre à un enfant de dix ans la route d'un enfant déporté durant la seconde guerre mondiale.
En entendant ça, je n'en revenais pas. Il a lui-même un enfant de dix ans, comment est-ce qu'il peut même envisager de le faire plonger dans la monstruosité nazie? Je ne comprends pas. Le devoir de mémoire est indispensable, mais pas permettre l'identification d'un enfant à un autre enfant qui a été martyrisé, assassiné.
Quand j'ai appris ce qu'était la Shoah, j'étais au collège, et pendant cette heure de cours d'histoire, ça a été comme si on devenait adulte d'un coup. Je me souviens du silence de plomb dans la classe. Il y avait des photos dans le livre, dont une d'un homme dans un camp de concentration, qui ressemblait à un squelette. Il y avait juste son visage qui prouvait qu'il était encore vivant. Il était soutenu par deux types en costumes rayés alors que lui était nu.
Le gamin le plus turbulent de la classe, le casse-cou, le perpétuel collé du mercredi, s'est écrié: "putain, il fait comment pour tenir debout?" et il y avait une angoisse indiscible dans sa voix, mêlé à un effarement paralysant. Vous voyez, ça va faire dix ans que ça s'est passé et je m'en souviens comme si c'était hier.
Ce jour là, on a entrevu l'idée que l'homme, l'homme ordinaire pouvait non seulement tuer un autre homme, mais organiser à une échelle industrielle l'assassinat de femmes, d'hommes et d'enfants pour une question d'appartenance à une religion.
Imaginez maintenant un gamin de dix ans, qui vit avec ses parents, avec ses frères et soeurs, dont la vie se résume à aller à l'école, jouer avec les copains, manger en famille, regarder des séries à la télé. Et puis un jour, on lui dit que l'homme peut sortir de l'humanité, devenir un monstre,que ça s'est déjà produit et que pour qu'il ait bien conscience de ça, il va travailler sur le destin d'un enfant victime de cette barabarie.
Evidemment qu'il va y avoir identification, culpabilité, un poids énorme sur ses épaules, il va prendre conscience de l'horreur, comprendre qu'il y a eu des enfants, des enfants comme lui, traqués, marqués, séparés de leur famille, transportés comme du bétail, terrorisés, parqués, gazés puis brûlés. Ou assassinés d'autres manières, par des expériences médicales par exemple, ou mourrant de maladie, agonisant seuls dans un enfer créé de par l'homme.
Contrairement à ce que prétend notre président, dix ans, c'est trop tôt pour être confronté à l'insupportable, et c'est trop tôt pour comprendre, pour en tirer des leçons, pour réfléchir sur l'homme, sur son histoire, sur son avenir, sur sa nature. C'est trop tôt pour comprendre que l'homme peut devenir un monstre. A dix ans, on est un enfant, on a droit à cette période, l'enfance, l'insouciance.
Le devoir de mémoire, s'il est vrai qu'il est indispensable, doit se faire plus tard, avec une maturité suffisante et avec une force psychologique suffisante.
Une génération de dépressifs, de suicidaires ou de fous en puissance?
Votre dévouée, qui ne remercie pas les 53% de français ayant porté Nabot au pouvoir.
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