Si dans la colonne de gauche la liste de mes livres préférés est peu fournie, ce n'est pas parce que je ne lis pas, c'est parce que peu de livres lus me plaisent réellement, sans "sauf" ou "mais".
Avant de descendre Neil Gaiman ou son traducteur, je tiens à préciser que j'ai adoré "Neverwhere" et "Stardust", inventifs, originaux, agréables, des entrées dans le monde du merveilleux. Je me suis donc plongée avec enthousiasme dans la lecture d'American Gods. Cependant, j'ai décidé d'en arrêter la lecture (j'en suis à la moitié environ) parce que c'est dégueulasse.
Un truc m'horripile dans la littérature: la vulgarité. Même pour mettre une ambiance malsaine utile, ça me révulse. Et American Gods, ou en tout cas sa traduction française est d'une vulgarité frôlant parfois la pornographie.
J'aime la subtilité des styles, les émotions un peu retenues, les élégantes pudeurs, les ambitions cachées, la description de regards chargés de passion, de rancoeur, de colère, de bonheur.
Un de mes bouquins préférés est "Au bonheur des dames", que je connais presque par coeur à force de le relire. C'est un chef d'oeuvre. C'est aussi la preuve que l'on peut écrire quelque chose qui touche à la sexualité sans être vulgaire.
Pour ceux qui ne connaissent pas, c'est l'histoire d'un type qui est directeur d'un de ces grands magasins qui viennent juste d'être construits à Paris et qui sont en train de couler toutes les petites boutiques, dont celle de l'oncle de Denise, une jeune fille qui vient chercher un emploi en ville.
Mouret (le directeur) l'embauche et a l'habitude de coucher avec quelques vendeuses, de temps en temps, par pur appétit sexuel, aucun sentiment là dedans. Un jour, il jette son dévolu sur Denise, qui refuse.
Ce sera alors une obsession pour lui: il faut qu'elle cède. Il s'acharne donc à sa conquête tandis que son grand magasin conquiert toute la ville. Et plus il insiste, plus sa fortune augmente avec son succès professionnel, plus elle s'obstine dans son refus, tranquillement au début puis de moins en moins. Des sentiments naissent entre eux mais ils ne se le disent pas, ils campent sur leurs positions, chacun nourrit son obsession bientôt aveugles au bouleversement de la société qui est en train de s'opérer à la vitesse de l'éclair.
Il y a une scène que j'aime beaucoup où Mouret croise Denise accompagnée de son petit frère. Il l'a renvoyée pour une sombre histoire de rumeur et il ne pense qu'à elle. Il s'arrête de marcher et lui demande comment elle va et si là, à ses côtés, c'est son petit frère. (Parce que la rumeur qui lui avait couté son emploi était que le petit garçon était son fils et non son frère)
Elle est saisie de stupeur qu'un personnage aussi important, autoritaire et inflexible lui adresse la parole gentillement après l'avoir fait passer pour une trainée. Elle échange quelques mots avec lui, toujours étonnée et se remet en route. Son trouble n'est décrit que dans son pas, trop rapide pour le gamin qui la tient par la main.
C'est très vite résumé, on pourrait écrire des centaines de pages sur les métaphores, les messages implicites et le style de Zola.
Personne n'ignore d'ailleurs qu'il a été trainé dans la boue. La faute au naturalisme, à la description de la misère, des émotions violentes et de la sexualité. Pourtant, (et j'ai lu tous les Rougon Macquart) il n'est jamais vulgaire, même dans "La Terre" où le sujet périlleux de la pulsion sexuelle est omniprésent.
J'espère que c'est le traducteur de Neil Gaiman qui affabule parce qu'il est vrai que la vulgarité d'American Gods ne lui ressemble pas.
Votre dévouée, déçue.
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