lundi 18 juin 2007

Vergès, ton univers impitoyable


Bon alors ça c'est fait: je suis allée voir le documentaire sur Vergès sobrement titré L'Avocat de la Terreur, dans un cinéma d'arts et d'essais.

Je vous l'annonce tout de suite: ça a été l'un des moments les plus pénibles que j'ai vécu dans une salle de cinéma avec le jour où j'étais allée voir From Hell et que je me suis persuadée que le type assis derrière moi allait m'égorger.

Résumons le propos de ce "documentaire" à la partialité qui deviendra probablement légendaire:

Vergès est un mystérieux bienfaiteur de l'Humanité, il a défendu les types du FLN qui sont en fait présentés comme des martyrs de la résistance, avec un gros parallèle avec la seconde guerre mondiale puisque l'armée française est comparée explicitement aux nazis.
Ah oui, dans Vergès, comme dans ce film, il n'y a pas de nuances: il y a les bons, et les méchants.
Vergès est présenté comme un courageux militant de l'injustice. Klaus Barbie, dont le film balaie l'existence et le procès en 5 minutes (ce qui, comparativement au nombre de morts qu'il a engendré, laisse perplexe), est un opprimé, un homme en péril que la foule veut lyncher. Et comme le dit si bien Vergès: ceux qui sont contre lui sont des abrutis.
La majeure partie du documentaire est consacrée au FLN, avec interviews multiples d'ancien du FLN qui rient joyeusement en évoquant les moments où les bombes explosaient. Ben oui. La violence est légitime on vous dit.
L'ancien chef du FLN dit à un moment: "les morts je m'en fous, c'est pour les mutilés que ça me dérange". Avec une petite grimace.
Le film présente donc des héros défendus par Vergès-le-courageux.

Soyons clairs: je condamne la colonisation, l'exploitation d'un peuple, la torture des opposants au régime colonialiste. Mais, je condamne toutes les violences aveugles qui se sont déroulées durant cette période, de tous les côtés. Je trouve insupportable la légereté avec laquelle les ex-membres du FLN rient, dans ce reportage, des carnages provoqués par leurs bombes (ou quand ils en parlent comme si c'était vraiment la meilleure chose à faire, en attribuant le rôle de héros à celle ou celui qui engendre le plus grand nombre de morts). Comme je trouverai insupportable une interview de militaire français qui se vanterait d'avoir torturé des membres du FLN.

Dans ce documentaire, il n'y a qu'un seul point de vue montré: celui des poseurs de bombes, qu'ils soient algériens pendant la guerre, luttant pour l'indépendance de leur pays, qu'ils soient palestiniens, ou encore qu'ils soient de la bande à Carlos, tuant pour obtenir un maximum de fric. Il n'y a aucun témoignage qui donnerait une autre vision des choses, qui ne soit pas la légitimation de la violence.
Alors, on va me rétorquer que le sujet du film, c'est Vergès et pas les évènements sanglants qui se sont déroulés dans l'Histoire. Oui mais à partir du moment où l'Histoire devient le support de tout propos tenu sur Vergès, il faut la présenter avec des témoignages des deux bords luttant l'un contre l'autre.

Aucun mot sur la défense des dictateurs en afrique, presque rien sur son amicale relation avec les Kmers rouges si ce n'est quelques photos d'archives, presque rien sur le procès Barbie. On s'attarde un peu plus sur sa "sympathie" (le mot est de lui) qu'il éprouve pour Carlos et ses complices.

Vergès, c'est quelqu'un qui éprouve beaucoup de sympathie, il a beaucoup d'amis: Genoud, le nazi suisse, d'autres potes nazis avec qui il se baffre dans les restos (tous sont des hommes libres bien évidemment), les terroristes palestiniens, Carlos et les siens.
Quand on lui demande pourquoi il les défend, il répond: c'est normal, avec un petit sourire. Normal, en voulant dire légitime. Tout accusé a droit à un avocat, nous sommes d'accord, mais y a une différence entre assurer une défense du mieux qu'on peut et éprouver de l'admiration, de la sympathie, de l'estime, de l'amitié ou même plus pour son ou sa client(e).

Vergès, c'est aussi quelqu'un qui rit beaucoup. Des autres surtout, puisque les autres sont des imbéciles, sauf les assassins, les psychopathes, les sérials killers, les dictateurs, les nazis, les terroristes...ect


La stupéfaction, la colère, la frustration passées, je peux affirmer que ce documentaire n'est pas un documentaire mais un film à la gloire d'un personnage et d'une vision du monde, violente et cahotique, où le prix d'une vie est dérisoire puisque c'est celle d'idiots.

Ce film est une tentative grossière de manipulation afin de rendre les prises de position de Vergès plus confortables.
Vergès, lui, doit encore bien rire de se voir en héros glorieux, son orgueil déjà surdimensionné va finir par l'étouffer.

Vergès est un homme qui rit. Beaucoup. Je crois qu'il a le même rire que celui de Djamila Bouhired à l'annonce de sa condamnation à mort.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Plutot que de réaliser un article portant sur ce "cher" jacques Vergès, je profite de l'occasion qui m'est donnée ici pour confirmer ton point de vue relatif au film "l'avocat de la terreur". Ce documentaire, dédié à la gloire du célèbre avocat, me laisse perplexe.
Narrateur omniscient, absence de témoignages contradictoires, épisode sur klaus barbie baclé en cinq minutes, une amitié avec les terroristes...les râtés s'enchainent.
On découvre un Vergès impitoyable, narcissique, prétentieux, flirtant avec la compagne du terroriste Carlos et se mariant avec une terroriste algérienne qui avait posé des bombes et qui avait ri à gorge déployée lors de l'annonce de sa condamnation à mort...

Deux heures 15 assez longues sahant que l'épisode sur le FLN dure presque 1h30.
"Faut bien le défendre, sinon qui le fera?" voila la phrase fétiche de Vergès qui revient dans ce film.
Une personne qui a commencé sa carrière à 30 ans et qui continue encore aujourd'hui à défrayer la chronique. Les critiques positives sur cityvox me laissent bouche bée.

sandrine